C’est la petite ville où j’ai passé 6 mois en 2019. Déjà 4 ans sont passés depuis que je suis partie et tout semblait être devenu un rêve. Revenir dans la ville, dans la maison de ma famille d’accueil, me réinstaller dans ma chambre. Tout s’est illuminé et a repris sens. C’était réel. Et j’étais de retour. On a roulé pendant deux jours pour aller de la Gold Coast à Cobar, changé d’État et gagné une heure. Que d’aventures ! Je ne vous ai pas menti quand je vous ai dit que c’était perdu au fin fond du bush australien. Cobar héberge 30 000 habitants et la plus grande ville à proximité est Dubbo avec seulement 37 000 habitants. Vous vous doutez bien que la première fois que j’ai regardé où se trouvait Cobar sur la map, je n’étais pas vraiment enchantée. J’étais une jeune fille de 16 ans qui imaginait vivre 6 mois paradisiaques à Sydney ou à Melbourne entre les surfeurs et les kangourous. Ça ne s’est évidemment pas passé comme prévu, mais c’était d’autant plus génial. J’ai découvert la vraie vie du bush australien, ce qui ne serait pas arrivé si j’avais vécu cette expérience en ville. Ma famille, comme beaucoup d’autres, a une propriété de 4000 hectares (et encore, c’est petit pour l’Australie) à une heure de Cobar. Elle s’appelle Affie Station en l’honneur du père de Bryce dont le surnom était Affie. Ils ont une petite ferme et un troupeau de moutons. C’est là-bas que j’ai passé les meilleurs weekends de ma vie. J’attendais impatiemment la fin de la semaine d’école. Et chaque weekend était le début d’une nouvelle aventure. Je faisais du quad entre les kangourous et les émeus. Je tondais les moutons (horrible expérience d’ailleurs, c’est plus dur qu’il n’y paraît). Je faisais des courses de motos avec les petits-enfants de mes parents d’accueil. Bref, un pur bonheur. En plus de ça, j’ai créé un lien inexplicable avec ma famille d’accueil.
En arrivant en Australie, je ne parlais pas un mot d’anglais et je ne comprenais rien à ce qu’on me disait. Vous imaginez bien que la communication a été compliquée. Néanmoins, chacun d’entre eux a pris le temps de me parler, d’apprendre à me connaître, de partager des choses avec moi. Ils ont été très à l’écoute, ce qui m’a permis de progresser très rapidement. En un mois, je comprenais tout ce qu’ils me disaient et je pouvais exprimer, dans les grandes lignes, ce que j’avais en tête. A contrario, il m’a fallu 2 mois pour réussir à comprendre mon père d’accueil, Bryce, qui a un accent trèèèèès australien. Ce n’est pas « sad » c’est « sed ». Ce n’est pas « very hot » c’est « stinky hot ». Ce n’est pas « I finished » c’est « I knocked off ». Enfin bon, il m’a fallu de l’énergie et de la patience pour le comprendre ! Cette fois, j’ai rencontré leur fils, Tye, qui habitait à l’autre bout de l’Australie la dernière fois que j’étais là. Et bien, moi qui étais heureuse de ne pas avoir perdu ma capacité à comprendre Bryce, je me suis retrouvée bouche bée devant la diction incompréhensible de Tye. Un nouveau challenge à relever !
Me voilà donc de retour à Cobar, 4 ans plus tard. Dans ma chambre en train de raconter mon parcours plein de nostalgie et de reconnaissance envers ce que j’ai eu la chance de vivre.
Première étape: trouver un job !
Cette fois-ci, comme je ne suis plus étudiante. J’ai comme projet de trouver un travail pour mettre le plus de côté possible afin d’avoir les ressources nécessaires pour poursuivre mes aventures en parcourant toute l’Australie. Alors je suis allée déposer mes CV australiens dans les restaurants de la ville. Malheureusement, je n’ai pas passé le RSA (certificat pour servir de l’alcool) et le RCG (certificat pour servir dans les jeux de hasard) donc je ne peux pas servir d’alcool ni servir dans les endroits où il y a des jeux de hasard. Il est possible de passer ces deux certificats où que vous soyez. Il vous suffira d’aller voir les dates disponibles sur le TAFE (Technical and Further Education) de l’état où vous vous trouvez. Attention : ces certificats ne sont pas forcément valables dans tous les états. Si vous avez le certificat de Queensland, il ne marchera pas en New South Wales pour la seule et bonne raison que chaque état a des règles différentes.
Après avoir parcouru la ville de haut en bas et de gauche à droite, reçu des propositions pour faire le ménage alors que je demandais à être serveuse, hoché la tête sans être convaincue après qu’on m’ait affirmé « on vous rappelle », encaissé des refus parce que je suis backpackeuse et que je peux partir du jour au lendemain, ce qui ne les intéresse pas trop, j’ai l’honneur et la joie de vous annoncer que dans 3 jours, je commence un nouveau job en tant serveuse ! Je vais aussi aider à préparer les assiettes en cuisine. Je suis d’autant plus contente parce que j’ai appris qu’être serveuse dans certaines parties isolées, voire très isolées de l’Australie, permet le renouvellement d’un deuxième visa et Cobar en fait partie ! Je m’explique. Si on veut prolonger son visa en Australie, il faut travailler au moins 88 jours dans des endroits/travaux spécifiques comme le fruit picking, les vignes ou la construction. Être serveuse ou barmaid à Sydney ne compte pas par exemple. Pour faire court, ce sont des travaux que personne ne veut faire parce que c’est trop fatigant dans des endroits où personne ne veut aller parce que c’est trop pommé. Seulement, j’ai découvert que depuis 2021, il est possible d’être serveuse ou barmaid dans les zones nord, isolées ou très isolées de l’Australie et que ce soit pris en compte dans les 88 jours. Donc techniquement, même pas besoin d’aller se tuer en ferme (même si je vais quand même aller le faire plus tard parce que je veux prendre part à la vraie vie de backpackeuse en Australie et ce n’est pas en évitant les travaux désagréables et fatiguant que ce sera le cas !).
Première étape accomplie dès mon premier jour de recherche. Si ça, ce n’est pas la classe ! Si vous voulez découvrir les joies d’être une serveuse française entourée d’Australiens de l’outback avec un épouvantable accent et 8 bières dans le ventre, n’hésitez pas à cliquer sur le bouton ci-dessous !
Deuxième étape: conduire à gauche
Avant de partir, j’ai fait ma demande de permis international. Ils m’avaient prévenu que je pouvais mettre du temps à le recevoir selon la demande actuelle (entre 2 semaines et 7 mois). Voilà maintenant 4 mois que j’ai fait ma demande et cette dernière est toujours en cours. Alors j’ai pris les choses en main et je suis allée au Cobar Shire Council. J’ai exposé ma demande à une conseillère qui m’a certifié que je pourrais obtenir un permis australien en moins de 5 minutes. Je lui ai alors donné mon passeport et mon permis de conduire français et 3 minutes plus tard elle m’imprima deux feuilles : une attestant que je n’avais plus le droit d’utiliser mon permis français en raison de la deuxième qui était mon nouveau permis australien. Elle m’a dit que je recevrais une vraie carte de permis dans la semaine qui suivait. J’ai un permis australien ! C’est encore mieux parce que ce que le gouvernement français devait m’envoyer était un permis international attestant que je pouvais conduire hors de la France. Mais ce n’était pas un vrai permis. Il y a seulement eu un petit changement concernant mes droits sur la route : je suis repassée en permis probatoire. En France, comme j’ai fait la conduite accompagnée, j’ai pu enlever mon A après 2 ans. En Australie, ils conduisent deux ans avec un Probationary Permit rouge (ex ; nombre de passagers limités, 0 % d’alcool, 110 km/h au lieu de 130 km/h…) puis 1 an avec un Probationary Permit vert, qui a un peu moins de restriction (ex : nombre de passagers illimités). Ayant seulement deux ans de permis, je dois conduire avec le Probationary Permit vert jusqu’en mai 2024. Mais j’ai un permis australien !!!
Le soir même, ma mère d’accueil, Sharon, me propose de conduire pour aller dîner chez sa mère qui habite 2 km plus loin. Je ne vous cache pas qu’il va me falloir un temps d’adaptation : le siège conducteur est à droite, mais on conduit du côté gauche. Le clignotant est du côté droit et le levier de vitesse s’utilise avec la main gauche. Mais honnêtement, après avoir fini une fois du mauvais côté de la route et avoir activé les essuie-glaces au lieu du clignotant une quinzaine de fois, je me débrouille plutôt bien. En même temps, une voiture reste une voiture vous me direz ! Heureusement, il n’y a pas de rond-point à Cobar. Je pense que prendre un rond-point à l’envers, ça va vraiment faire bizarre.
Après plusieurs petites escapades nocturnes pour m’entrainer avec Sharon à mes côtés, cette dernière me demande d’aller, seule, acheter des bricoles au supermarché. Je suis très étonnée de sa confiance étant donné que, pas plus tard qu’hier soir, j’ai encore une fois fini du côté droit de la route après avoir enclenché les essuie-glaces pendant 5 minutes, sans trouver le moyen de les couper. Alors, elle me dit : « J’ai été élevé en apprenant que ce n’est qu’une voiture alors le plus grave qu’il peut arriver c’est que tu te blesses. Mais je suis sûre que tu vas très bien réussir ». Sur ces mots, j’attrape les clés de la voiture et me voilà partie du côté gauche de la route. Vous pouvez rire autant que vous ne voulez en disant que ça change pas grand-chose, mais je pense qu’on ne se rend pas compte à quel point combattre une habitude, mauvaise ou non, est dure. Il faut constamment rester concentrer pour ne pas que cette dernière prenne le contrôle. Mais comme Sharon l’avait prédit, tout s’est évidemment bien passé. J’ai l’impression d’être redevenue une adulte. Je n’étais plus en âge d’être en conduite accompagnée tout de même !
Troisième étape: retourner dans le bush !
Dimanche, jour de repos. Sauf dans le bush ! Bryce m’a donné une mission à accomplir alors je saute dans la voiture en direction du bush ! Je suis émue. Rien à changer. Je retrouve ma chambre in the hut. Le vieux camion rouillé transformé en scène de danse et de chant. Mon quad qui m’accompagnait pour chacune de mes excursions.
Je fais un petit tour pour réveiller tous les souvenirs qui ont sommeillé en moi durant 4 ans. Même si j’y ai seulement passé 6 mois de ma vie et que je n’ai pas vraiment grandi là-bas, j’apparente ces souvenirs à des souvenirs d’enfance. Tout paraît irréel, tel un rêve qui n’a jamais pris forme. Je trouve ça dingue quand je repense à la chance que j’ai d’être là, perdu au milieu d’un des plus grands pays du monde, avec des gens qui m’étaient totalement inconnus 5 ans plus tôt. Et pourtant, cet endroit feels like home. Je me sens libre comme l’air lorsque j’enfourche mon quad avec mon appareil photo en bandoulière et que je roule sur la terre rouge laissant une traînée de poussière aveuglante derrière moi. Dès que je tombe sur un spot qui me plait, je m’arrête et j’observe. Tout est calme autour de moi. Les kangourous, les émeus, les chèvres et les moutons s’affairent à leur occupation dans cet endroit si paisible. I mean, what could go wrong ? Pourquoi aller chercher compliqué à être stressé en ville quand on peut faire simple crépis de terre rouge dans la nature ?
Après plusieurs tours de la propriété, je note tout de même un changement. Vous voulez savoir ce que c’est ?
TADAM ! Alors, oui, ce n’est qu’un panneau techniquement. Mais en vérité, c’est bien plus que ça. Chalon-sur-Saône est la ville où j’ai grandi, en France. Quand je suis partie d’Australie, ils ont ajouté cette pancarte pointant la direction de la France pour marquer ma venue sur les terres d’Affie Station. Chalon est désormais connu jusque dans l’outback australien et ça, mesdames et messieurs, c’est la classe. J’ai posté la photo du panneau sur Insta et mes amis qui ne connaissaient pas sa signification m’ont répondu en disant soit « mais tu n’es pas censée être en Australie ? », « oh, la coïncidence de fou ! » ou encore « WTF?? ». C’est vrai que si l’on n’est pas au fait de l’histoire, on peut se poser des questions.
Il y a d’autres panneaux accrochés à ce poteau. Chacun d’eux est orienté vers les personnes qu’ils aiment et qui sont loin d’eux en guise de pensées éternelles. Je trouve l’idée incroyablement touchante.
Anyway, comme je vous l’ai dit, j’ai une mission à accomplir : réparer les clôtures de certaines parcelles en ajoutant des petits clips métalliques avec un pistolet-pince branché à un compresseur qui faisait un bruit d’enfer. On en oubliait qu’on était perdu au milieu de la nature. Malgré 4 heures de travail intense, c’était très satisfaisant de voir les deux fils se souder entre eux lorsque la pince se resserrait sur eux.
Le lendemain, au travail, Bryce a raconté à l’un de ses collègues ce qu’on avait fait dans le bush la vieille et ce dernier lui a répondu : « Et bien si Lucine est disponible, j’ai 8 km à faire. » Bien sûr, ça serait un travail rémunéré, mais je ne suis pas prête à en voir le bout ! Je voulais y aller le dimanche qui suivit, mais étant donné qu’ils annonçaient 40 degrés et 10 d’UV, j’ai préféré rester au frais sous la clim de la maison…
Mais la plus belle satisfaction a été d’observer deux émeus se balader juste à côté de nous pendant qu’on cuisait sous le soleil australien. J’ai alors dégoté mon appareil photo pour tenter de prendre des clichés de ces mi-grosses poules mi-petites autruches alors qu’elles s’enfuyaient en me voyant approcher. Une chèvre a aussi voulu prendre part au shooting en se greffant à une photo. C’est ma photo préférée !
Quelques minutes plus tard, Bryce m’appelle en me disant que les chiens, Rabbit et Yellow, ont trouvé un bébé kangourou, seul. J’accours. J’ai très peu de photos de kangourous parce qu’ils nous fuient aussitôt. Toutefois, de par son jeune âge ou sa témérité, il me laissa l’approcher. J’ai pu alors prendre les plus belles photos que je n’avais jamais eues d’un kangourou. C’était à se demander s’il n’était pas en train de poser ! Le temps qu’on finisse notre travail, il avait déjà disparu dans les arbustes, rejoindre sa maman. Merci petit kangourou pour ce joli moment.
Le saviez-vous ? Un bébé kangourou, en anglais, s’appelle a Joey. Oui, ça n’a aucun sens. Alors je ne vous en voudrais pas si vous ne le retenez pas.
Quatrième étape: reprendre les bonnes habitudes...
Rentrée à la maison et après avoir pris une bonne douche pour me débarrasser de cette poussière rouge collant à la peau, je décide de cuisiner. J’adore cuisiner. Je trouve que c’est relaxant. Je suis concentrée sur les chiffres pour ajouter la quantité parfaite pour faire la plus belle des recettes alors je ne pense à rien d’autre. En 2019, je cuisinais tous les mardis soir un nouveau petit plat français à Bryce et Sharon. Leur préféré a été le hachi Parmentier alors à peine avoir posé mes affaires dans ma chambre, Bryce m’a dit « Could you make the dish with the mash potato and the minced meat, again? ». Il ne faut pas me le demander deux fois ! Une fois aux fourneaux, on ne m’arrête plus. Alors, après avoir fini le hachi Parmentier pour le lendemain midi, je m’attaque au repas du soir et aux gourmandises qu’on peut manger sans pouvoir s’arrêter. Tou d’abord, j’ai fait des cookies au beurre de cacahuète. Je les ai mis au four en forme de petites boules en pensant qu’ils allaient s’aplatir, mais au final, ils sont restés en forme de petites boules. Bon… ça ne change pas le goût ! Ensuite, j’ai cuisiné une pâte à crêpe pour le dîner. Une fois cuite, j’ai ajouté du jambon et du fromage à l’intérieur. En mangeant, j’ai alors expliqué à Sharon la guerre entre les Bretons et le reste de la France au sujet des crêpes. Si c’est du salé, ça doit être mis dans une galette de sarrasin, si c’est du sucré, ce sont des crêpes. C’est bien ça, les Bretons ? Ça la fait rire et elle m’a affirmé qu’il ne pourrait jamais y avoir une telle guerre entre les Australiens des différents états étant donné que l’Australie a littéralement volé toutes les inventions au monde entier sans rien concevoir. J’ai rétorqué que c’était faux en pointant le pot de Vegemite sur le plan de travail. Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est la Vegemite, laissez-moi vous décrire cette mixture affreuse. C’est une pâte brunâtre qui ressemble à de la terre mélangée avec de l’eau au premier abord. Ça ne donne pas trop envie, n’est-ce pas ? Et bien, sachez que le goût fait honneur à l’aspect. Il y a un horrible mélange de salé et d’amer qui ne s’accorde absolument pas. La raison est que la Vegemite est faite principalement à partir de levures. Vous avez déjà goûté de la levure seule ? Normalement non, personne ne fait ça ! On sait tous à peu près à quoi s’attendre sans même avoir trempé un doigt. Et les Australiens, eux, ont décidé de littéralement inventer une pâte à tartiner à la levure. Franchement, si c’est pour inventer des choses pareilles, qu’ils continuent à voler les idées des pays étrangers, ça vaut mieux pour tout le monde !
Le ventre bien rempli et l’excitation du repas du lendemain dans un coin de la tête, on va se coucher après ce dimanche on ne peut plus productif !