Après avoir parcouru tout Cobar (ce qui m’a pris environ 5 minutes), j’ai décroché mon premier job en Australie ! Chaque jour est rempli de découvertes, d’étonnements ou même… de chocs. Je vous raconte ?
Mes premiers pas dans mon nouveau job australien !
Je suis arrivée à 11 heures pétantes le vendredi. La patronne m’a dit qu’elle voulait « show me around » ce qui signifiait, pour moi, que j’allais faire un petit tour en cuisine, dire bonjour à tout le personnel et repartir au bout de 30 minutes. J’avais prévu beaucoup de choses pour remplir mon énième journée de vacances éternelles. Silly girl que je suis. J’ai travaillé ! J’ai épluché les carottes, coupé les tomates, cuit les brocolis, dressé les assiettes, servi les assiettes. Bref, j’ai littéralement vécu une journée type du travail que j’allais devoir effectuer ces prochaines semaines. La patronne m’a laissé avec Cora en lui donnant la tâche de me montrer et de m’expliquer les choses. Il s’est avéré que j’ai plus appris en observant qu’en l’écoutant parce que je ne comprenais pas un mot de ce qu’elle balbutiait. Bon, après réflexion, je l’excuse. Elle n’a que 14 ans ! Je n’en reviens pas. Sharon m’a expliqué qu’il n’y avait pas d’âge légal officiel pour commencer à travailler en Australie. Il est alors très courant, du moins à Cobar, que les jeunes décrochent leur premier travail rémunéré à 13 ans voire 12 ans.
De ce fait, je suis repartie avec aussi peu d’informations qu’avant d’arriver. Quand je dis aussi peu, c’est aussi peu. Je ne sais toujours pas quels seront mes horaires ni même quel sera le montant de mon salaire. J’ai seulement écrit mes heures de travail sur une feuille en y ajoutant mon prénom que personne n’arrive ni à retenir ni à prononcer et j’ai reçu l’ordre de revenir le lendemain à la même heure. J’avoue que c’est un peu déstabilisant pour un premier job à l’autre bout du monde, mais les gens ont l’air gentils et c’est une question de prendre la main donc ça va le faire ! En revanche, je ne sais pas si c’est dans tous les petits restaurants australiens ou si c’est parce qu’on est perdu dans l’outback, mais je pense que jamais on ne verrait un restaurant tel que celui-là en France. Les plats sont réchauffés au micro-ondes avec du plastique au-dessus, les sauces sont re-re-reréchauffées après avoir refroidies une dizaine de fois puis sont couvertes par une serviette de bain pour les garder au chaud. La propreté ne les préoccupe pas tant que ça. Les assiettes dressées ont la même tête que celles de chez Flunch lorsqu’on opte pour le menu à volonté. C’est peut-être le contraste après avoir travaillé 1 mois chez un traiteur en France où propreté et raffinement sont les mots d’ordre ou… c’est peut-être the australian way. Qui sait ?
Deuxième shift
Après être revenu le samedi matin, j’en sais enfin plus sur ce job un peu bancal au premier abord ! Je suis payée 29 dollars de l’heure et je reçois ma paie tous les lundis. Ça peut paraître étrange, mais en travaillant en Australie, vous allez plus régulièrement rencontrer des patrons qui payent toutes les semaines voire toutes les deux semaines plutôt que chaque fin de mois. Quand j’ai appris à Sharon qu’en France les payements étaient mensuels, elle m’a dit « mais comment faites-vous pour tenir jusqu’au bout ? » haha. Bien, on mange des pâtes les deux dernières semaines, Sharon !
Pour ce qui est de l’emploi du temps, la patronne, Cindy, m’a dit que je travaillerai quand elle aura besoin de moi. Je vais donc être un peu prévenue du jour au lendemain, mais bon… 29 DOLLARS POUR ÊTRE SERVEUSE ! Ça équivaut environ à 17 euros et c’est 7 dollars au-dessus du SMIC australien. Pas mal pour un premier job, non ?
Aujourd’hui était une tout autre journée qu’hier. Moi qui pensais avoir vécu une journée type au restaurant, je me fourrais le doigt dans l’œil ! Les commandes n’arrêtaient pas, les gens arrivaient par tablées de 10, je courais partout afin de satisfaire chaque client. Dans tout ce vacarme, j’ai eu ma première cliente méchante (il n’a pas fallu longtemps…). Elle me rappelle quelques minutes après que je lui ai servi son plat pour me faire remarquer que ses légumes étaient froids. Je lui assure que je vais faire le nécessaire pour régler ce problème. En cuisine, ils me disent de faire réchauffer l’assiette dans le micro-ondes, ce qui m’a, personnellement, paru un peu limite pour un restaurant de cette envergure (on est au kebab du coin ou quoi ?). Je m’exécute tout de même. 10 minutes plus tard, je lui rapporte son assiette en m’excusant platement pour le désagrément. Elle me regarde droit dans les yeux et me dit : « Vous l’avez juste foutu au micro-ondes, en fait ? ». Son regard et son intonation auraient dû me faire comprendre que répondre positivement à sa question n’était clairement pas la bonne solution. Mais dans la panique et la surprise, j’ai bien évidemment répondu « oui » avant de détaler en cuisine. Quand, par la suite, je suis venue débarrasser sa table en lui demandant si elle avait fini, elle n’a même pas daigné m’adresser un regard ou un mot. Bon… au moins, ça fait une anecdote à raconter !
À part ça, tout s’est bien passé. Je commence même à comprendre comment les choses fonctionnent. Je sais que tout est une question d’habitude. Il faut le temps que toutes les informations que j’ingurgite s’intègrent en moi. Mais c’est terrible de devoir faire répéter les choses une dizaine de fois à une personne qui a autre chose à faire que me former.
Anyway, Cindy m’a demandé de revenir ce soir ! Enfin, quand je dis ce soir, c’est dans une heure en réalité. Je suis épuisée et au bout de ma vie, mais je m’imagine déjà dans mon van aménagé à parcourir le territoire australien.
Troisième shift
J’y arrive enfin ! Je comprends petit à petit comment le restaurant marche et je peux faire des choses moi-même sans demander conseil (la classe). Il me reste juste à travailler sur l’accent australien. Moi qui pensais le comprendre grâce à Bryce, je me rends compte qu’il y en a de toutes les sortes. Ce soir, une personne m’a demandé un « steak knife ». Pas compliqué à comprendre, en soi. Il veut un couteau à steak. Je lui ai fait répéter au moins 5 fois avant qu’une de mes collègues vienne à la rescousse en prenant le relais. La honte… Aussi, des gars de mon âge ont essayé de plaisanter avec moi parce que j’ai apporté une sauce spicy en trop à leur table. Je n’ai pas compris un mot de ce qu’ils m’ont dit. Je suis repartie en ne faisant qu’un avec ma sauce à tel point que j’étais rouge-écarlate. À part ça, c’est un travail plutôt plaisant. Je ne dis pas que je ferais ça toute ma vie, mais il est très divers et varié. Je cuisine autant que je dresse les assiettes ou que je les sers. J’ai déjà une liste rouge des choses que je n’aime pas faire comme servir du côté bar parce que les numéros de table n’ont aucun sens. Ou dresser les assiettes avec un morceau de croupions parce qu’il n’y a jamais de place pour y ajouter la salade et les frites. J’ai aussi une liste des choses que j’aime bien faire comme préparer les petites assiettes de salade pour qu’il y en ait en avance parce que ça prend du temps et ça m’évite d’attendre, gênée, que quelqu’un veuille bien me donner une mission. J’aime aussi débarrasser les tables parce que j’empile les assiettes et les couverts telle une serveuse expérimentée. Osez me dire que vous n’avez pas une liste comme ça dans votre tête pour tout ce que vous entreprenez !
Avant de partir, le cuisinier m’a fait un petit steak-frite à manger à la maison. Il n’y a rien de plus beau, après avoir travaillé pendant 8 h 30, que de mettre les pieds sous la table et dévorer un bon repas gratuit en se disant que la journée est enfin finie.
Première paie et réflexion sur la langue anglaise...
Lundi suivant, je reçois ma première paie ! 315 dollars australiens pour 11 h 35 de travail ce qui équivaut environ à 190 euros. Bon, je ne suis pas encore déclarée donc je n’ai pas été taxée. C’est pour cela que ça peut paraître très impressionnant. Cette semaine, la paie risque d’être tout autre parce que la patronne a demandé mon Taxe File Number afin de me déclarer comme employée à l’ATO. Heureusement, à côté de ça, elle m’a prévu un emploi du temps assez conséquent. Je travaille tous les jours (sauf le dimanche) de 11 h à 15 h/15 h 30 puis de 17 h à 21h/21h30 (sauf le mardi et le vendredi où je ne travaillerais que le soir). J’en suis ravie. Non, pour de vrai ! Je commence vraiment à aimer ce travail qui, en plus de bien payer, me permet de rester un peu plus longtemps chez ma famille d’accueil afin de profiter d’eux un maximum. De plus, la patronne est d’une gentillesse exquise et prend le temps de tout m’expliquer pour que je comprenne bien. Les clients sont aussi adorables. D’ailleurs, je n’ai jamais vu des gens si reconnaissants. Vous me direz, avec toutes les façons qu’ils ont de dire merci, ils ont de quoi ! Alors quand je les sers, ils enchaînent des remerciements incessants : Ta, thank you, thanks, cheers. Traduction ? Merci, merci, merci, merci. Tout ça entre le moment où ils me voient arriver et celui où je pose l’assiette. N’oublions pas que je fais seulement mon travail tout de même. Tant de reconnaissance ! J’en ai donc parlé en rentrant à Sharon et je l’ai surtout questionnée sur le « ta ». Même si je n’avais jamais entendu ce mot auparavant, j’en ai déduit que ça signifiait « thank you ». Décidément, les Australiens adorent raccourcir tout ce qui est possible et inimaginable. Selon Sharon, c’est un mot qu’elle utilise, personnellement, pour s’adresser à un enfant. C’est une façon de lui apprendre à dire merci. Quand je lui ai dit que ma collègue l’employait constamment et certains clients aussi, elle a trouvé ça très étrange parce qu’elle ne se verrait pas user de ce terme en parlant à un adulte. Quoi qu’il en soit, qu’on s’adresse à un enfant ou à un adulte, je dirais que ce terme me paraît être un abus de paresse. « Thanks » était sans doute encore trop long pour nos paresseux expérimentés ! En dire moins tout en signifiant autant, telle est leur devise.
Une autre chose que j’ai remarquée est le « you’re all right » ce qui s’apparenterait au « t’inquiète », « tout va bien ». Une personne peut l’employer quand une autre s’excuse après lui avoir causé du tort. Mais je trouve la forme étrange. « You’re all right » signifie mot à mot « tu vas bien ». La première fois que quelqu’un m’a répondu ça après que je me suis excusée pour lui être rentrée dedans, je me suis dit « bien sûr que je vais bien, c’est moi qui t’ai bousculé, idiot ! » Après réflexion, on pourrait se dire la même chose concernant le « t’inquiète ». Littéralement, en disant cela, on conseille à l’autre de se préoccuper de ce qu’il vient de faire alors qu’on veut en réalité signifier l’inverse. Étrange, non ?
Story-time outrante, choquante, que dis-je ? Abérante !
Il y a les choses qui m’étonnent, il y a les choses qui me choquent considérablement. Je ne pensais pas que j’allais vous raconter une chose pareille en étant en Australie. Les Américains sont connus pour être incultes par rapport à tout ce qui touche la géographie de l’Europe, voire même de leur pays pour certains. Mais l’Australie ? Non… !
Pendant une demi-heure creuse au restaurant, on papotait avec mes collègues. Elles énumèrent les pays qu’elles aimeraient bien visiter. D’ailleurs, petit aparté, je trouve ça dingue à quel point l’Allemagne est très mal vue par les australiens. Ils disent qu’ils veulent y aller pour l’histoire, mais quand je leur révèle que c’est aussi un très beau pays par ses paysages et sa culture, ils sont tous étonnés. Bref. Par la suite, une de mes collègues (40 ans quand même) me demande si la France c’est réellement la même chose que ce qu’on peut voir dans les films avec les bellissimo et les pizzas. Je l’observe un instant et voyant qu’aucun rictus ne se dessine sur son visage, j’en déduis qu’elle ne plaisante pas. Alors je lui explique que non, c’est l’Italie. Elle me regarde perplexe et me dit « Mais, quelle est la différence entre la France et l’Italie ? ». Je pouffe sans trop comprendre le sens de la blague. Mon autre collègue ne rigole pas. Je m’exclame « Tu te moques de moi, n’est-ce pas ? ». Ce à quoi elle a répondu, à mon grand malheur, négativement. Il m’a fallu un moment de réflexion. La différence entre la France et l’Italie. Hmmm… Bien, ce n’est juste pas du tout la même chose. C’est seulement deux pays différents, avec deux langues différentes, deux cultures différentes, deux histoires différentes, deux populations différentes. La seule réelle ressemblance est que c’est deux pays faisant partie de l’Europe et de l’Union européenne. Sinon, franchement, c’est compliqué de faire plus différent. Je me suis dit pendant un instant que ce n’était peut-être pas sa question et que j’avais sans doute mal compris. Mais quand elle articula un « ahhhh » suivi d’un « je ne savais pas », tout espoir en moi s’est volatilisé.
Sans surprise, il s’en est suivi la question « De quel pays Paris est la capitale ? ». Elle n’a jamais vu Ratatouille ? Emily in Paris ? Quand même ! Bon, la capitale encore, je peux pardonner. J’imagine que l’Europe est pour eux ce que l’Afrique est pour nous : un grand continent avec plein de pays. Mais à partir du moment où tu connais les noms de deux pays, tu sais dire que ce sont deux pays différents, non ? Je ne sais même pas ce qu’elle avait en tête. Peut-être que l’Europe est un pays et la France et l’Italie des régions parmi tant d’autres. Tant de questions sans réponse.
Passionnant ! Je n’aurais jamais pensé à quel point les australiens manquent de culture en revanche. C’est à se demander si ce n’est pas un pays autarcique au final
Trop bonne idée j’adore!!! Hâte de lire la suite pour avoir l’impression de voyager un peu avec toi. Bon voyage Lulu!