J’ai démissionné

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Il y a un mois de ça, je commençais mon premier job en Australie dans un petit restaurant. La patronne paraissait d’une gentillesse exquise. Mes collègues m’ont montré et aiguillé afin que je prenne vite la main dans ce travail multi-tâche. Je servais autant que je cuisinais. Je lavais la vaisselle autant que je débarrassais. J’aime le fait d’être active et d’avoir un rythme soutenu. Être toujours occupée et courir partout. Aussi, je croisais constamment des gens que je connaissais. Des personnes avec qui je suis allée au lycée il y a 4 ans ou de la famille et des amis de Bryce et Sharon que j’ai pu rencontrer à l’époque. De ce fait, j’avais l’impression d’être comme chez moi. J’étais comme à la maison.

De la gentillesse à l'acharnement

Et puis, les choses se sont dégradées peu à peu. Durant les deux premières semaines, il y avait un cuisinier irlandais qui était venu compléter ses 88 jours comme moi. Il devait donc rester au moins 3 mois, mais à la fin de la seconde semaine, il partit sans aucune explication. C’est alors la patronne qui a repris le flambeau. Et tout a changé. Le plaisir que je prenais dans chaque activité s’est transformé en cauchemar. Je commençais à ressentir cette boule de stress se former dans le creux de ma gorge. Cette boule qui me suppliait de rester au lit le plus longtemps possible les matins pour repousser le moment tant redoutée.

Pendant plusieurs jours, je sentais alors que quelque chose n’allait pas. Je ne sais pas si c’était par peur d’affronter la réalité ou par naïveté mais je trouvais des excuses à ce comportement anormal. Je me disais qu’être patronne d’un business aussi important pour une petite ville doit être terriblement stressant au quotidien. Peut-être que je fais réellement mal les choses. Je suis nouvelle après tout. Qu’est-ce que ça doit être énervant de devoir passer son temps à corriger les erreurs d’un de ses employés. Sans doute que je suis trop susceptible. Comment pourrait-elle me faire comprendre que je fais mal les choses sans me faire de remarques ?

Se faire confiance

Puis, un soir, je suis rentrée plus effondrée que jamais. Ça ne pouvait plus durer. Qu’elle soit responsable de la situation ou que je sois trop susceptible pour accueillir ses remarques, je n’étais tout simplement pas heureuse dans ce travail.

Alors je décidais de faire confiance à la seule personne qui sera toujours honnête avec moi-même : moi-même. Il n’y a rien de plus certain que ce sentiment. Cette petite voix au fond de moi qui me dit de fuir. Fuir cette situation. Fuir ces personnes. Fuir cet endroit. Je pense que j’aurais dû fuir depuis longtemps. J’attendais sûrement l’approbation de ma famille. Je ne voulais pas être celle qui abandonne au moindre obstacle alors qu’elle est venue en Australie pour sortir de sa zone de confort. Je pensais que je devais travailler sur ma capacité de détachement. Je devais arriver être imperméable aux remarques et à la méchanceté de la patronne.

Ma famille m’a vite fait comprendre que ce n’était pas la solution. Je ne devais pas travailler sur ma capacité de détachement. Je devais travailler sur ma capacité à écouter ce que me dit, voire me crie, mon instinct. Apprendre à ne pas ignorer ce sentiment d’inconfort qui me dit de fuir.

J’en ai aussi parlé à Bryce et Sharon. Bryce m’a répété une énième fois ses deux phrases cultes alors qu’il m’emmenait au travail : « Ne sois jamais marié à un travail » et « Quand notre fils, Tye, est parti faire sa vie à l’autre bout de l’Australie, je lui ai dit de toujours avoir assez d’argent dans sa poche pour pouvoir partir dès qu’un job ne lui convenait pas ». 

Sharon, de son côté, m’a dit qu’elle pouvait comprendre que la patronne soit stressée parce que son restaurant ne va pas bien. Mais ce n’est en aucun cas une raison pour déverser sa frustration et son angoisse sur les autres. Elle a raison. Ce stress ne m’appartient pas. Je ne suis pas là pour le subir. Elle ne sait pas ce que je vis de mon côté. Elle ne sait pas à quel point ça peut avoir un impact sur moi, sur mon humeur ou sur ma vie. Cette mauvaise humeur qu’elle me transmet dans son stress peut même peut-être s’étendre sur mon entourage si je le ramène jusqu’à la maison.

L'histoire de l'éléphant

Connaissez-vous l’histoire de l’éléphant ? Laissez-moi vous la raconter afin que vous vous imaginiez d’autant plus à quel point ce genre de comportement peut faire plus de dégâts que l’on pense.

C’est l’histoire d’un éléphant qui a mal dormi à cause d’une chauve-souris qui a fait « crunch crunch » toute la nuit, pile au-dessus de son lit. Il croise alors un singe et déverse sa mauvaise humeur sur lui. Le singe, qui a eu une peur bleue, se défoule ensuite sur un serpent, qui s’en prend à la première souris venue et à ses 10 petits. Affolée, la souris s’enfuit pour enfin renverser toute l’histoire…

Déverser sa mauvaise humeur sur une personne peut mener à une chaîne sans fin. Ce n’est pas parce que vous passez une mauvaise journée que le monde entier doit passer une mauvaise journée. Chaque jour, on fait tous face à nos problèmes, à nos peurs, à nos angoisses. Mais ce sont des choses qui nous regardent nous et seulement nous.

c'est l'histoire d'un éléphant

Prendre son courage à deux mains

Sur ces belles paroles, je décidais alors de partir. Oui, j’ai besoin d’argent. Non, je n’ai pas de plan B. Mais tout ce que je sais c’est que je ne suis pas venue ici pour être malheureuse au travail ou nul part ailleurs. Je suis venue ici pour être libre et c’est ce que je suis.

En arrivant le soir, je voulais en finir dès le début du shift en me disant que si je lui disais tout, je ne passerai pas la soirée à réfléchir à ce que je vais dire. Alors, après avoir procrastiné pendant de longues minutes, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai fait taire cette petite voix dans ma tête qui cessait de me répéter « tu peux le faire plus tard, tu sais ». Comme quand j’ai sauté à l’élastique, j’ai déconnecté mon mental et j’ai sauté : « Je peux vous parler ? ». Et je lui ai dit tout ce que j’avais sur le cœur.  Je lui ai dit que je n’étais pas heureuse, que ce travail n’était pas fait pour moi, que je n’étais plus épanouie. J’ai bien appuyé sur le fait que c’est ce que JE ressentais. Ma maman m’a toujours dit: « Personne ne peut contredire tes sentiments ». Personne ne peut dire « Non, tu ne ressens pas ça ». Dire ce que l’on ressent plutôt que d’énumérer des faits est une arme imparable contre toute riposte. 

Au fil de la discussion, je sentais quelque chose s’apaiser en moi. Je devenais plus sereine et plus sûre de moi alors qu’elle tentait de me convaincre de rester. Je n’ai jamais été aussi convaincue d’une décision. Je savais au fond de moi que c’est exactement ce qu’il fallait que je fasse. La part rationnelle, elle, était quelque peu inquiète de la façon dont j’allais gagner de l’argent et compléter les 88 jours de travail pour obtenir mon second visa. Je m’en remets aux surprises de la vie.

Je suis très fière de moi. Je pensais que le stress allait m’en faire perdre mon anglais et que je n’allais pas trouver les mots justes pour exprimer ce que je ressens. Mais non. Mon anglais, bien qu’imparfait, a suffi à lui faire comprendre ce que j’avais besoin qu’elle comprenne. C’était tout ce dont j’avais besoin.

 

Morale de l'histoire: écoutez-vous

L’argent n’est pas une raison à la soumission et n’a pas assez de valeur pour subir de telles situations. Ça vaut autant pour les backpackers qui sont partis par quête de liberté que pour toute autre personne étant malheureuse dans son travail. La vie professionnelle nous prend le plus clair de notre temps. Il est donc important que ce soit un endroit où l’on s’épanouit. 

Aussi, il ne faut pas toujours chercher de raison à notre mal-être. On peut ne pas se sentir bien à un endroit sans raison apparente. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de raison, disons « suffisante », comme de la violence physique ou morale, de l’illégalité, des salaires impayés, que votre mal-être n’est pas légitime. Ce qui importe c’est ce que notre corps nous dit. Cette boule au ventre. Ce stress constant qui reste coincé dans votre gorge. Cette angoisse qui engloutit la moindre seconde de bonheur. Votre corps sait. Et il n’a pas besoin de raisons.

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Cet article a 2 commentaires

  1. Jeanne-Laure

    Bravo ma fille ! Suis ton coeur et sois heureuse !!

  2. Alex

    Bravo d avoir eu le courage de quitter ce travail ! Je te souhaite de trouver des que possible qqchose qui te conviendra mieux 🤗

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