Flashback
Je me rappellerai toujours de ces jeudis au collège où je n’avais personne avec qui manger à la cantine. Une boule de stress me prenait à la gorge dès la veille. L’appréhension de ce jour me hantait même toute la semaine. Arrivée l’heure du repas, j’étais obligée de passer ma carte au self pour ne pas que la CPE appelle mes parents en leur disant que j’avais disparu. Alors, je bipais ma carte, je remplissais mon plateau mais tant la peur d’être jugée par le fait d’être seule me terrifiait, je sortais directement dans la cours m’enfermer dans les toilettes jusqu’à l’heure de la sonnerie. À cet âge-là, les personnes qui mangeaient seules étaient considérées comme des « cas-sos » (=tocard, boloss, nullard). Je préférais mourir de faim plutôt que recevoir cette étiquette.
Je faisais alors tout pour ne jamais être seule et ne jamais être vue seule jusqu’à rester avec des personnes avec qui je ne me sentais pas à l’aise. C’était pas grave. Ça restait de la compagnie. Je voyais le fait d’être seule comme une sentence terrible. That was a shame en plus d’être ennuyant. Je n’en voyais pas même l’utilité. Pour moi, être seule était un échec.
To be lonely ≠ to be alone
La langue anglaise, contrairement à la langue française, à deux termes pour différencier le sentiment de solitude choisi et celui subit.
To be lonely est la solitude subie. C’est la solitude qui fait mal, celle qui n’est pas choisie. C’est plus un état d’esprit qu’un état physique. Cette solitude peut nous faire sentir seul même entouré. On ne se sent pas compris, écouter ou entendu. On se sent vide, à l’écart, en marge de la société. Cette solitude n’est pas productive tant elle nous entraine dans un tourbillon de négativité. Elle n’est que rumination, réflexions vaines et mal-être profond.
To be alone c’est le fait d’être seul de façon totalement consentie. C’est la solitude agréable. Celle qui apporte créativité, apaisement, calme. C’est ce moment on l’on se coupe de toute sociabilité pour reconnecter avec soi-même. On autorise la petite voix dans notre tête à se faire entendre. C’est tout autant un état d’esprit mais il est très important que ça soit un état physique. Nous ne pouvons pas nous retrouver réellement seul avec nous-même si nous sommes constamment entourés. Cette solitude accueille l’étonnement et l’émerveillement qui sommeillent lorsque nous sommes dans notre mode « adulte responsable de la société ». Elle nous reconnecte avec notre âme d’enfant. Tout est plus magique dans le silence de la solitude.
Une nécessité
Aujourd’hui, être seule est devenue un besoin vital pour moi. J’attrape mon appareil photo, j’enfile mes écouteurs, je lance une playlist matchant avec mon mood de l’instant et je marche sans destination précise. Puis, je m’arrête à un petit restaurant et je m’offre un solo date qui ressource chacune de mes cellules. Je contemple ensuite le paysage bucolique racontant chaque jour une histoire différente. Les gens souriants, mélancoliques, euphoriques qui passent devant moi avant de disparaitre à l’horizon. Les oiseaux au loin parsemant le ciel bleu d’une douce mélodie enchanteresse.
Malgré le fait que la solitude soit devenue une nécessité, je n’y prête pas toujours la plus grande des attentions tant j’aime être entourée. Dans la folie des rencontres et des partages humains, je n’entends pas, je n’écoute pas. Mais mon corps sachant ce dont j’ai réellement besoin m’envoie les signaux nécessaires pour me faire comprendre que j’ai besoin d’aller me recharger loin de toute forme humaine.
La batterie sociale
Je visualise mon besoin de solitude et mon taux de sociabilité comme une batterie. Cette dernière s’épuise plus ou moins vite selon les gens avec qui je suis. Elle peut descendre à une allure fulgurante comme elle peut stagner des heures durant. Elle peut aussi se recharger avec certaines personnes. Cependant, comme toute bonne batterie, lorsqu’elle est vide, elle a besoin d’être rechargée. C’est ici qu’intervient un besoin de solitude indispensable. Lorsqu’elle est vide, c’est comme si on clignotait rouge. L’alarme se déclenche. Une panique se propage. Il faut faire vite pour ne pas qu’elle explose, ou pire… qu’elle implose.
Alors prenez soin de votre batterie intérieure. N’attendez pas qu’elle soit à sec avant de lui donner de l’énergie. La puissance de batterie sociale est propre à chacun. C’est pour cela que nous devons écouter ce qui se passe à l’intérieur pour ménager l’extérieur.
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