Optimiser la vie
J’ai toujours été dans une optique d’optimisation. Profiter à fond de chaque occasion qui s’offrait à moi pour en tirer les plus grands bénéfices. En l’occurrence, en venant à TI, je voulais me saisir de l’opportunité de ne payer ni loyer ni nourriture afin de mettre le plus possible de côté. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Le patron à embaucher trop de personnel, sans doute par sécurité. Nous devons alors nous diviser le peu de travail qu’il y a entre nous tous. Au lieu de faire au moins 35 heures dans le but compléter mes 88 jours et pour mettre minimum 1000 $ de côté chaque semaine comme je l’avais prévu, je me retrouve à faire des petites journées de 5 heures.
Un stress terrible a alors pris le dessus. Cette impression de perdre mon temps, car je ne l’optimisais pas comme je l’avais prévu en travaillant un maximum pour pouvoir profiter par la suite me hantait. J’avais aussi beaucoup (trop, selon moi) de temps libre sur une île qui est, bien que magnifique, très petite. Je passais alors mes journées à faire des probabilités sur ce que j’allais gagner et j’imaginais ce que j’allais pouvoir m’offrir avec cette si petite somme d’argent. L’angoisse était à son comble.
Tempus, temporis
Le temps est un concept qui a toujours été une source de profonde préoccupation pour moi. Perdre mon temps est l’une des pires choses que je puisse expérimenter. Autant dans ma façon de marcher, que de manger, ou de m’organiser, l’optimisation du temps y est reine. Je veux tant tout voir, tant tout faire que je ne veux pas perdre des minutes de vie inutilement. Je n’ai alors cessé de ruminer le fait qu’en étant nourrie et logée, je pourrais mettre énormément d’argent de côté en faisant beaucoup d’heures de travail, qu’ensuite cet argent me permettrait de financer des activités incroyables et des voyages inoubliables et que, dans tous les cas, je n’avais rien d’autre à faire que de travailler en étant sur une toute petite île dont le tour complet se résume en 1 h 45 de marche.
L’expression « le temps c’est de l’argent » que je déteste tant est au final rentrée dans mon quotidien sans même que j’en ai conscience. Je ne voyais pas d’autres utilités à être venue sur cette île.
Lâcher prise
Au bout d’une semaine, cette situation ne pouvait plus durer. Alors, j’ai tenté le lâcher-prise. Cette grande expression que tout le monde utilise sans vraiment en connaitre la réelle pratique. Encore l’une de ces choses plus faciles à dire qu’à faire. But anyway, je n’avais aucun contrôle, aucune prise dans tous les cas. Que je sois stressée ou non, c’était ainsi. Autant libérer mon esprit d’un stress inutile avec un peu de lâcher-prise et de relativisation. Certes, tout ne s’est pas passé comme je l’avais prévu. C’est frustrant, je l’avoue. Je ne vais peut-être pas mettre tant d’argent de côté. Je ne vais peut-être pas être aussi productive que je l’aurais espéré. Je vais sûrement devoir ralentir mon rythme de vie qui était si speed ces derniers temps. J’ai alors modifié le goal que je m’étais fixé en venant ici : je vais utiliser tout ce temps libre pour prendre soin de moi.
Pendant ce dernier mois à Cairns, entre les sorties, le manque de sommeil et les Mcdos, je n’ai clairement pas pris soin de moi. Je n’étais pas dans l’irrespect de moi-même, mais je n’ai pas été tendre non plus. Alors quoi de mieux qu’un mois régénérant ! De ce pas, je suis allée m’inscrire à la salle de sport de l’île qui, bien qu’elle ne paye pas de mine, fait très bien l’affaire pour se défouler. J’ai commencé à m’offrir chaque soir l’opportunité d’aller me vider la tête dans mon carnet devant une vue extraordinaire, perchée sur Green Hill Fort. Mon cerveau parlant plus vite que ma main puisse écrire est une preuve de la nécessité de cette activité. Je prends le temps d’écouter la petite voix au fond de ma tête qui a dû crier pendant des mois pour se faire entendre. Je m’assois face à la mer et j’écris des articles pour ce blog que je chéris tant. Je mange bien. Je bois de l’eau. Ainsi, j’utilise ce temps, dit « perdu », pour mon bien-être et cette satisfaction est inégalable à celle de l’argent. Peut-être que j’avais besoin de ça après tout. Me donner de l’attention, de l’amour. Peut-être que c’est ce que la vie a voulu m’apporter. Dur à accepter, mais agréable à perpétuer.
J’ai l’impression de respirer à nouveau.